Saint Bernard de ClairvauxOrdre_du_temple (31)

 

BERNARD DE CLAIRVAUX

Personnage le plus célèbre de l’ordre de Cîteaux, Bernard fut aussi l’une des individualités les plus marquantes de l’histoire de l’Église médiévale et l’un des hommes les plus actifs et les plus importants du XIIe siècle.

Origines, formation et personnalité

Bernard est né à Fontaine, localité proche de Dijon. Son père, Tescelin, était de la famille des seigneurs de Châtillon-sur-Seine; il tenait la petite seigneurie de Fontaine ainsi que des terres autour d’Alésia et de Montbard, et d’autres dans la vallée de la Laigues et au confluent de l’Aube et de l’Anjou. Sa mère, Alette, était la fille du seigneur de Montbard, dont les domaines, assez vastes, s’étendaient sur une partie des plateaux sis entre l’Armançon et la Seine. Bernard est donc issu d’une famille de moyenne noblesse, apparentée ou alliée à de puissantes maisons.

Il subit profondément dans son enfance l’influence de sa mère, femme d’une très haute vertu. On le confia, pour ses premières études, aux chanoines de l’école de SaintVorles, près de Châtillon.

Il y acquit une solide pratique du latin, mais il n’apprécia pas la culture littéraire et profane qu’on essayait de lui donner. À l’âge de seize ou dix-sept ans, il perdit sa mère et en fut très vivement affecté. Il mena alors pendant quelques années une vie mondaine, comme pouvait le faire un jeune noble du temps.

Il déclara plus tard qu’il avait eu de mauvaises fréquentations, mais il faut voir dans cet aveu le scrupule d’une âme excessivement exigeante.

Car, en fait, tout en ayant une existence laïque, il semble bien qu’il songea très tôt à se retirer du monde. En avril 1112, il prit sa décision et vint se faire moine à Cîteaux, abbaye créée en 1098 au sud de Dijon et qui voulait retourner à l’ascèse monastique la plus rude.

Il y entraîna avec lui trente compagnons, parents ou amis. Il apparut aussitôt comme un élément particulièrement dynamique, si bien qu’en 1115, il fut envoyé, avec quelques moines, pour fonder l’abbaye de Clairvaux, aux bords de l’Aube, non loin de Troyes, sur une terre donnée par le comte de Champagne.

Il resta abbé de Clairvaux jusqu’à sa mort, ce qui ne l’empêcha pas de jouer un rôle éminent hors de son monastère et de son ordre.

Personnage d’une très réelle sainteté, recherchant par amour du Christ la mortification la plus dure, Bernard fit preuve, sa vie durant, d’une activité inlassable. Sa sensibilité très vive – elle explique ses plus beaux élans spirituels et permet de découvrir en lui une sorte de sensualité mystique – le conduisit, en quelques occasions, à des attitudes raides et même violentes.

L’âme nourrie des leçons et des allégories de l’Écriture, spécialement de l’Ancien Testament, il fut un orateur vibrant, aussi bien pour instruire ses moines de Clairvaux que pour émouvoir et entraîner les foules.

Il fut, en outre, un écrivain fécond, au style alerte et coloré.

Ses principales œuvres, en dehors de sa correspondance et de ses sermons (parmi lesquels ceux sur le Cantique des cantiques adressés  à ses moines, exerceront une grande influence sur la mystique médiévale), furent le De gradibus humilitatis , l’Apologia ad Guillelmum abbatem , le De diligendo Deo , le De gratia et libero arbitrio , le De laude novae militiae , le De praecepto et dispensatione , la Vita S. Malachiae et le De consideratione .

Bernard moine

Lorsqu’il arriva à Cîteaux en 1112, l’abbaye connaissait de très sérieuses difficultés et voyait ses effectifs se réduire de jour en jour. Bernard lui apporta un nouvel élan et permit à l’ordre cistercien de se développer. Il fut du reste, en tant qu’abbé de Clairvaux, grâce à son rayonnement et à son action, le principal artisan de cet essor. À sa mort, l’ordre comptait 350 maisons, parmi lesquelles 160 avaient été fondées par Clairvaux ou par des établissements issus de cette abbaye.

Quant à lui, il se révéla un bon administrateur et un moine exemplaire, refusant âprement honneurs et dignités. À l’austérité cistercienne, élaborée à partir de la fuite du monde, de la pauvreté et du travail manuel, il ajouta la mise en valeur de la pureté (méfiance à l’égard de la femme, objet de péché, réconciliation avec elle dans le culte de Marie, vierge et mère) et le mépris de la culture et de tout ce qui peut sembler un divertissement pour l’esprit.

Il ne ménagea pas les critiques à l’égard de Cluny et échangea à ce sujet une correspondance fort intéressante avec l’abbé Pierre le Vénérable.

Bernard et le monde: la croisade

L’abbé de Clairvaux s’intéressa aussi, parfois avec vigueur, aux problèmes politiques. Il fut chargé par Innocent II d’essayer de rapprocher l’empereur Lothaire III de son rival Frédéric de Hohenstaufen, révolté contre lui.

Il émit des réserves sur le mariage de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine qui, selon lui, violait la règle canonique d’empêchement en cas de parenté. Il joua avec conviction le rôle de médiateur entre Louis VII et le comte de Champagne, lorsque le Capétien prit les armes contre son puissant vassal (1142), sans celer sa profonde sympathie pour le comte qui était le protecteur de Clairvaux.

Mais, surtout, il intervint dans une entreprise politico-religieuse qui, dans les dernières années de sa vie, raviva son enthousiasme: la croisade. Il s’était déjà intéressé à la Terre sainte lorsque, entre 1128 et 1136, il avait rédigé le traité De laude novae militiae pour exposer à l’ordre naissant des Templiers quels principes spirituels devaient guider son action. Sollicité en 1146 de lancer la prédication pour la deuxième croisade, il hésita quelque temps, puis se jeta résolument dans l’entreprise. Le 31 mars, il adressa un vibrant appel aux clercs et aux nobles réunis à Vézelay.

À l’automne et dans l’hiver suivant, il parcourut la France du Nord-Est et l’Allemagne. Après l’échec de l’expédition, il combattit le découragement et demanda un nouvel effort.

Un concile réuni à Chartres en 1150 le désigna même comme chef de la future opération qui, faute de moyens, n’eut jamais lieu.

De tout cela se dégage l’impression d’un homme d’une valeur spirituelle exceptionnelle et d’une activité extraordinaire. Il faut noter toutefois que, mis à part sa propre expérience monastique qui fut une réussite exemplaire, la plupart de ses entreprises se soldèrent par l’insuccès: le schisme ne s’éteignit qu’avec la mort d’Anaclet, la méthode d’Abélard continua d’attirer les esprits, la croisade aboutit à un échec.

Trop enclin à s’occuper de tout et parfois quelque peu brouillon, Bernard marqua cependant toutes ces œuvres de son empreinte et sut quelquefois détourner leur accomplissement vers des voies nouvelles.Ordre_du_temple (31)Ordre du_temple (92)

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